Aladine découvre la caverne aux Merveilles

[Ludowika Hoffen-Schnitzel]

Il est curieux de constater que certaines personnes ont un véritable radar pour dénicher l'emplacement de la salle qui les intéresse le plus. Pour d'aucun, ce sera la cuisine, pour d'autres la Salle sur Demande, pour d'autres encore les endroits normalement défendus (bureau du concierge, du - de la - directeur -trice-, de l'intendant...). Pour Wika, c'était la bibliothèque. Voilà comment, sans avoir jamais mis les pieds à Wand, ni avoir pris le temps d'explorer le château, la gamine se retrouva directement devant la porte de la grande pièce.
A peine eut-elle poussé la porte qu'elle eut l'impression d'être Aladin découvrant la Caverne aux Merveilles. Des centaines de livres ! Non, des milliers ! Des dizaines de milliers ! Bien plus qu'à la médiathèque de Colmar ! Le paradis pour cette souris de bibliothèque qui dévorait les livres par dizaines !
Figée sur le seuil, elle contemplait les étagères surchargées de lourds volumes, incapable de faire le moindre mouvement, comme pétrifiée. Enfin, elle s'obligea à avancer et tira un épais grimoire, au hasard. L'herbier Elfique, illustré par un grand dessinateur français. Les yeux brillants de convoitise, tout debout, le manteau encore sur le dos, elle l'ouvrit et commença à le compulser, passionnée. Ce fut un sifflement, une mélodie qu'elle connaissait bien, qui la tira de sa lecture.

[Sigel Genewis]

"Je crois entendre encore"... certainement l'air le plus connu des Pêcheurs de Perles de Bizet. En tous cas, le seul que connaisse Sigel. Et qu'il chante sans trop l'écorcher. Certainement l'un de ses airs favoris, car il se retrouvait bien dans cet aria. Et il aimait à le fredonner quand il se croyait seul, comme à présent.
Enfin, en l'occurence, il avait commencé par le siffler, en haut de son échelle, tout en rangeant des livres sur une étagère haut placée. Le sifflement entraînant l'obsession, il s'était mis à chanter une fois de retour sur la terre ferme, et les bras chargés de livres à ranger. Nouveaux arrivages, anciens malmenés par le déménagement et qui avaient fait un détour par les mains expertes du bibliothécaire qui les avait restaurés avant de leur rendre leur place... L'ouverture d'une école, surtout possédant une telle bibliothèque, nécessite beaucoup de travail. Les cours ne prenant véritablement que le lendemain - et bien que la plupart des élèves fût arrivée - Sigel ne s'attendait pas à voir quiconque dans son antre avant au moins le lendemain midi.
Aussi, vous pouvez imaginer sa surprise - et comment le dernier couplet lui resta dans la gorge - quand il se trouva nez à nez avec une gamine aux cheveux blancs, qui portait l'uniforme noir bordé de violet des élèves de Unseelie. Onze ans, guère plus, ployant sous le poids de l'énorme volume qu'elle avait dans les mains. Sigel la regarda, surpris, et la gamine le dévisageait aussi. Il y eut un temps de silence... Et puis, le bibliothécaire, s'arrachant de force à son silence, déposa la pile de livres qu'il transportait sur une table et sourit à la fillette.

Je ne m'attendais pas à voir quelqu'un ce soir... Je peux t'aider ?